Transition entre les Mécanismes de Réaction Noyau-Noyau aux Énergies Intermédiaires
Les Systèmes Kr+Ag, Au, Th à 27 et 43 MeV par Nucléon

RÉSUMÉ

Les mécanismes de réaction entre noyaux et le comportement de la matière nucléaire subissent une transition vers 10 – 100 MeV par nucléon d’énergie de bombardement, gouvernée par le rapport entre celle-ci et l’énergie de Fermi. Leur étude, qui comporte des difficultés spécifiques pour des raisons profondes dont une analyse en est exposée, a été entreprise expérimentalement par des mesures exclusives à l’aide d’un multi-détecteur 4π capable d’identifier toutes les particules chargées, sur des systèmes très lourds de différentes asymétries. Les fragments et leurs corrélations avec les particules légères ont été plus particulièrement examinés, ce qui a montré que globalement, un seul mécanisme, à savoir l’émission de prééquilibre suivie de collision dissipative, rendait compte de ces observations si l’on admettait certaines déviations par rapport aux basses énergies. Une simulation Monte Carlo complète de la réaction, incluant une phase dissipative suivie de la décroissance statistique des noyaux produits, en présentant un accord acceptable avec l’expérience, a permis de le confirmer. Ces résultats donnent finalement une vue générale sur les processus nucléaires lors d’une collision, et sur toute une gamme d’énergie.

ABSTRACT

The reaction mechanisms between nuclei and the nuclear behavior undergo a transition at about 10 – 100 MeV per nucleon bombarding energy, controlled by its ratio to the Fermi’s energy. Their study, which involves special difficulties from deep grounds an analysis of is expounded, was undertaken experimentally by exclusive measurement with a 4π multidetector, able to identify all charged particles, on very heavy systems of several asymmetries. The fragments and their correlations with light charged particles were more particularly investigated, showing that in the lump, a single mechanism, namely damped collision following preequilibrium emission, has explained these observations if some deviations from low energies have been assumed. A complete Monte Carlo reaction simulation, including a dissipative phase preceding the statistical decay of the product nuclei, by presenting a fair agreement with experiment, allowed to confirm that. These results provide finally a general view on the nuclear processes during a collision, and for a whole energy range.

AVANT-PROPOS

Cette thèse de doctorat, en version intégrale ici, a été soutenue le 3 mai 1994 au Centre de Recherche Nucléaire de Strasbourg, devant un jury composé de J.F. Lecolley, F. Jundt et R.  Seltz. Elle a été écrite d’après les données des expériences d’une collaboration entre le CRN et l’ISMRa de Caen.

Vous pouvez me contacter au sujet de cette thèse à

Claude Pierre Massé, France.
orcid.org/0000-0003-3025-1196
ResearcherID O-1479-2015

INTRODUCTION

Le terme d’énergie intermédiaire au sens considéré ici est apparu à la fin des années 40 [AA50] et s’appliquait plus exactement à des particules légères d’une quarantaine de MeV. Dès lors se présenta l’ambiguïté au sujet des mécanismes de réaction qui se rangeaient en deux catégories : nucléon-nucléon ou collectif. Le problème fut alors résolu par des mesures en coïncidence [GR59]. Ceci résume avec la plus pure élégance l’aventure qui se rejoue maintenant, prouvant une fois de plus s’il en était besoin que l’histoire est un éternel recommencement, et que même un passé relativement lointain peut être riche d’enseignements.

En fait on savait déjà depuis 1942 obtenir des neutrons de 30 MeV en tirant parti du bilan positif de la réaction :

p + d3He + n

où le proton était fournit par une machine de Van de Graaff. Des particules plus complexes comme 9Be ou 12C ont même été accélérées à des énergies de l’ordre de 20 MeV par nucléon dès 1952 dans un Synchrocyclotron à Chicago. Le premier accélérateur capable d’atteindre le domaine intermédiaire fut un cyclotron construit à l’université de Californie en 1946. Il a été suivi de beaucoup d’autres de différents types. Les énergies disponibles ont alors été de plus en plus élevées, et les énergies intermédiaires ont progressivement été abandonnées au profit des nouvelles. Elles ne furent guère plus qu’un épisode sur le chemin menant à la physique des particules.

Depuis ces dernières années, ce domaine est redevenu à la mode, mais cette fois-ci, pour les collisions entre noyaux. Dans ce cas, le terme d’énergie de Fermi, souvent utilisé comme synonyme, est plus approprié. Celui d’intermédiaire désigne aujourd’hui des énergies autour du GeV, ce qui a plutôt rapport à la structure interne des nucléons que de celle des noyaux. Les basses et les hautes énergies ayant d’abord été intensément explorées, au début des années 80 des boosters ont été combinés à des accélérateurs déjà existants, et ont permis d’accéder à la partie inférieure du domaine. Le premier fut VICKSI de l’Institut Hahn-Meitner à Berlin qui, depuis 1979, était capable d’accélérer des ions de nombre de masse inférieur à 20 jusqu’à des énergies de 30 MeV par nucléon. En 1982, l’UNILAC du GSI à Darmstadt en RFA a été monté en énergie jusqu’à 20 MeV par nucléon. A partir de 1983, des machines spéciales, principalement des cyclotrons, ont été mises en opération : SARA à Grenoble et GANIL à Caen en France, l’accélérateur de RIKEN à Tokyo au Japon, et le MSU dans l’état du Michigan aux USA. L’avenir semblait alors plutôt souriant. L’étude a démarré avec les méthodes classiques par des mesures inclusives. Les résultats ne se sont pas fait attendre, mais malheureusement, ils furent souvent contradictoires. C’est ainsi que s’imposa l’idée des expériences en coïncidence avec des détecteurs appelés 4π parce qu’ils couvrent en principe tout l’angle solide disponible, et qui devait résoudre tous les problèmes, ce que, à l’heure où ont été écrites ces lignes [1994], on attendait toujours. Mais il serait mal venu d’en dire plus, puisque ce qui va suivre est consacré à l’exploitation de l’une de ces expériences.

Avant tout, le cadre conceptuel et la situation expérimentale seront introduits, suivis d’une courte discussion plutôt philosophique. Après quoi les méthodes de mesure seront décrites en détail et les données seront analysées. Des modèles théoriques et des programmes de simulation se basant dessus seront alors exposés. Pour finir, les résultats des calculs seront comparés avec l’expérience.