CHAPITRE III
RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX
III.1 – Remarques préliminaires
III.1.i Précautions d’analyse
Bien que cela semble au premier abord évident, il faut prendre conscience, avant l’analyse des données, des difficultés ayant pour origine la méthode de mesure. Celle-ci étant très complexe, les seuils et les coupures le seront aussi et risquent d’intervenir d’une façon non moins compliquée et subtile.
Le déclencheur en particulier joue un rôle très important, car c’est une sélection portant sur un ensemble de particules. Son efficacité augmente très vite avec la multiplicité réelle. Par exemple, un événement à quatre fragments déclenche quatre fois plus souvent qu’un à trois fragments, si les directions d’émission sont non corrélées. Ainsi, les événements ayant systématiquement un fragment non mesurable, seront beaucoup moins souvent observés, et donc une coupure peut très bien se répercuter dans des domaines qui en sont exempts.
Il serait évidemment idéal de pouvoir faire une sorte de correction pour s’affranchir de ces problèmes, par exemple à l’aide de simulation, mais malheureusement cela nécessite une connaissance a priori de la physique car la correction en dépendrait fortement, notamment dans le cas de corrélations entre les fragments. C’est donc impossible sauf pour de rares cas particuliers. Le mieux qu’on puisse faire est de choisir les représentations des données où les limitations expérimentales apparaissent le mieux, afin de garder leur existence à l’esprit.
III.1.ii Multiplicités
Des multiplicités élevées de fragments ont été détectées, dépendant de la cible, de l’énergie de bombardement, et bien entendu de la façon de sélectionner les fragments et du déclencheur. Les nombres de coups diminuent en gros exponentiellement avec la multiplicité. Ils sont représentés dans le tableau 2 pour chaque cible et chaque déclencheur, en imposant que la vitesse et la direction d’émission soient déterminées (catégorie B).
La forte décroissance a pour conséquence immédiate que la proportion d’événements où les fragments n’ont pas tous été détectés est très réduite. Ce qui ne veut pas du tout dire que la plupart des événements d’une multiplicité vraie donnée sont complets, mais que ceci a une influence négligeable sur les multiplicités mesurées inférieures.
M | Ag>2 | Au>2 | Th>2 | Ag>1 | Au>1 | Th>1 | Ag>0 | Au>0 |
1 | – | – | – | – | – | – | 57 589 | 160 276 |
2 | – | – | – | 400 174 | 163 095 | 186 776 | 9 466 | 15 266 |
3 | 313 227 | 1 099 414 | 310 644 | 78 537 | 45 210 | 26 811 | 1 492 | 3 191 |
4 | 34 159 | 148 601 | 30 034 | 5 628 | 4 676 | 1 913 | 101 | 273 |
5 | 1 073 | 9 045 | 1 763 | 154 | 242 | 110 | 3 | 17 |
6 | 10 | 296 | 60 | 1 | 8 | 4 | – | – |
7 | 1 | 8 | – | – | – | – | – | – |
III.2 – Caractéristiques générales des fragments
III.2.i Données inclusives
Les caractéristiques générales des fragments sont représentées dans le plan vitesse-charge (Fig III.1). On y distingue nettement trois composantes repérables par leur vitesse. Celle contenant les fragments les plus rapides peut être attribuée immédiatement au résidu du projectile. Ils ont une vitesse qui lui est légèrement inférieure d’environ 10%, et qui est fortement piquée à l’avant, comme on le voit sur la figure III.2, montrant les composantes parallèles et perpendiculaires du vecteur vitesse par rapport à l’axe du faisceau. De plus leurs charges sont légèrement inférieures à celle du projectile.
L’origine des fragments les plus lents est de la même façon imputable sans ambiguïté au résidu de la cible pour les mêmes raisons. Leurs charges sont proches de la moitié de celle de la cible, quand celle-ci est lourde. C’est parce qu’elle fissionne, comme nous l’établirons plus loin.
Reste une troisième composante plus difficile à interpréter. Les fragments ont des vitesses, aussi bien que des angles d’émission dans le laboratoire, qui prennent des valeurs intermédiaires. Leurs charges sont les plus faibles, mais sont caractéristique de ce qu’on appelle les fragments de masse intermédiaire, et sont inférieures à la moitié de celle du projectile. Il est intéressant de suivre l’évolution de leur vitesse en fonction de l’énergie incidente. Si on regarde la figure III.3, analogue à la figure III.1, on remarque que la vitesse reste sensiblement constante, et même diminue avec l’énergie. Les propriétés générales de ces derniers fragments sont des choses déjà connues, et ont déjà été observées dans des mesures inclusives [GRA88, MI91b]. Leur genèse est plus mystérieuse et est la clé de la compréhension des mécanismes en jeu. Avant de chercher une réponse, et conformément aux buts initiaux, nous allons d’abord faire une étude des coïncidences.
III.2.ii Coïncidences doubles
Pour mettre en évidence les coïncidences entre les fragments, nous allons utiliser leur vitesse dans le laboratoire, étant donné qu’elles permettent de distinguer les différentes composantes. La figure III.4 représente la corrélation entre les vitesses des noyaux pris deux à deux dans le même événement. On y voit tout de suite quels types de coïncidence existent réellement. Passons les en revue et cherchons à les interpréter.
Pour le thorium, il semble qu’il y ait des coïncidences entre les fragments rapides, mais elles ne viennent pas de l’interaction avec le thorium, mais avec son support d’aluminium. Les coïncidences rapide-intermédiaire ont la même origine et apparaissent dans les événements où il y a deux rapides et un intermédiaire, comme nous le verrons à la section suivante.
Ensuite la composante rapide-lent s’explique naturellement par la mesure simultanée des résidus du projectile et de la cible ou d’un fragment de celle-ci. On montre facilement que la composante lent-lent vient de la fission de la cible en regardant la somme des charges de ces deux fragments (Fig. III.5) qui est légèrement inférieure à celle de la cible, et leur vitesse relative (Fig. III.6) qui obéissent à la systématique de Viola [VI85]. Ceci est aussi compatible avec la disparition de cette composante pour l’argent, puisque celui-ci est beaucoup moins fissible.
Si nous nous penchons maintenant sur le cas des intermédiaires, nous voyons que nous les observons en même temps qu’un lent ou qu’un deuxième intermédiaire, mais jamais avec un rapide, exception faite du thorium pour la raison évoquée plus haut. Cependant, cela dépend de l’énergie comme on peut le voir à 43 MeV par nucléon (Fig. III.7) où la composante rapide-intermédiaire réapparaît. Soulignons ce fait qui est primordial dans l’interprétation de l’origine de ces fragments. Il permet d’ores et déjà d’éliminer certains modèles [RO87] comme celui de caléfaction [DAL86] qui a été élaboré à partir de mesures inclusives à 22 MeV par nucléon et qui reposait sur l’existence de ces coïncidences.
III.2.iii Coïncidences triples
Comme nous observons beaucoup de coïncidences à trois fragments pour les cibles les plus lourdes, il faut aussi voir entre quelles composantes elles se produisent. Pour éviter d’avoir une représentation à trois dimensions, nous utilisons toujours les vitesses des noyaux pris deux à deux mais nous les mettons dans trois diagrammes différents, en fonction du type du troisième noyau. Celui-ci sera déterminé par la charge et la vitesse comme on peut le voir sur la figure III.1. Le résultat est présenté figures II.8, 9, 10 & 11. A cause de la séparation nécessairement imparfaite entre les types, des composantes superflues risquent d’apparaître, donnant l’impression que presque toutes les coïncidences sont possibles. Il convient donc d’examiner avec beaucoup de précautions ces figures.
Nous vérifions d’abord que les coïncidences rapide-rapide pour le thorium n’existent qu’avec un intermédiaire, ce qui montre bien qu’elles proviennent de l’interaction avec le support de cible, car sinon nous devrions aussi observer simultanément des fragments lents pour retrouver la masse et l’impulsion initiales.
Nous remarquons ensuite l’absence de composante à trois lents, alors qu’elle existe pour les intermédiaires. Cela veut dire qu’au plus, la cible fissionne mais ne produit pas plus de fragments. Il y a trois autres coïncidences qui sont toujours observées : intermédiaire-intermédiaire-lent, intermédiaire-lent-lent et rapide-lent-lent. La dernière vient naturellement de la fission de la cible avec la détection simultanée du projectile. Quant aux deux autres, elles sont probablement liées à l’existence, en plus des restes de la cible, d’une source de vitesse intermédiaire capable d’émettre au moins deux fragments, et même trois puisqu’on observe de telles coïncidences.
En ce qui concerne les coïncidences rapide-intermédiaire seulement présentes à 43 MeV par nucléon, nous voyons qu’elles n’apparaissent pas avec autre chose qu’un lent, bien qu’il semble exister une faible composante rapide-intermédiaire-intermédiaire, mais nous sommes conduits à l’éliminer, car à cause de la mauvaise séparation entre les types, ce sont sûrement des rapide-intermédiaire-lent ou des intermédiaires-intermédiaire-intermédiaire vu que ces derniers sont bien plus nombreux. La figure III.12 prouve définitivement cette assertion, car si on représente uniquement ce type d’événement dans le plan vitesse-charge, alors on voit bien que les fragments rapides ne constituent plus une composante identifiable, mais appartiennent en fait à celle des intermédiaires dont il ne reste plus que la queue de la distribution.
Le fait le plus marquant que met en évidence l’étude des coïncidences triples concerne l’apparition de la composante rapide-intermédiaire, puisque nous venons de montrer qu’elle ne s’effectuait qu’avec un seul fragment intermédiaire, dont l’origine est donc plus probablement dynamique que statistique. Cette composante, mieux que les fragments de masse intermédiaire eux-même, semble être la pierre de touche de la transition de régime de réaction.
III.3 – Mécanismes de réaction
III.3.i Paramètre d’impact
Les trajectoires des ions lourds peuvent être décrites classiquement avec une bonne précision, par conséquent, le mécanisme de réaction sera fortement corrélé au paramètre d’impact. Il est donc intéressant de la déterminer afin de classer les événements et de les étudier séparément. Sa mesure précise n’est pas possible, mais n’est pas non plus indispensable. Il suffira en pratique de ranger les collisions en trois classes : centrales, périphériques et intermédiaires.
Les collisions périphériques sont définies comme étant celles où on retrouve un noyau de vitesse et de charge proches de celles du projectile, ce qui montre que le choc n’est pas très violent. Nous avons vu que pour certains systèmes, la présence de ce noyau excluait celle d’un fragment intermédiaire, donc si ce dernier existe, c’est une collision centrale. En revanche, dans le cas des systèmes où il y a de telles coïncidences, il faut créer une troisième classe appelée intermédiaire pour ces événements.
III.3.ii Collisions centrales
Par définition de cette classe d’événements, il n’y a pas de fragment de type rapide, mais il y en a de type intermédiaire, en plus éventuellement de lents.
Distribution de charge des fragments de masse intermédiaire
Pour étudier la distribution de charge des fragments de masse intermédiaire, nous utilisons la procédure suivante. Nous prenons les fragments à un angle suffisamment grand (> 15°) afin de bien éliminer tous les rapides. Pour chaque valeur de \(Z\), nous établissons la distribution en vitesse, qui ressemble à une Gaussienne, si on ne tient pas compte des seuils (Fig. III.13). Nous effectuons donc un ajustement par une Gaussienne afin de l’extrapoler. Les paramètres ainsi recueillis permettent de calculer le nombre relatif corrigé de fragments de chaque charge.
La distribution ainsi déduite apparaît sur la figure III.14. On obtient une droite, sauf pour les \(Z\) les plus faibles car pour ceux-ci, l’efficacité de détection n’est plus de 100%. Etant donné la représentation choisie, la distribution est de la forme \(Z^{-\tau}\), et un dernier ajustement fournit la valeur : \(\tau\) = 2,6 ± 0,1 où seule l’erreur statistique est indiquée. Elle est tout à fait compatible avec celles déjà mesurées [FI82, CH83, HU85, TR89, MI91a, MI91b], et suggère que les fragments de masse intermédiaire soient ici produits par la multifragmentation d’une source.
Mécanisme de réaction
Quand on représente les vitesses parallèles et perpendiculaires des fragments de masse intermédiaire par rapport à l’axe du faisceau (Fig. III.15), ils se placent près d’un cercle centré sur une vitesse proche de celle du centre de masse. L’explication la plus simple en serait la création d’un noyau de fusion, mais pour un système aussi lourd et à une telle énergie, la probabilité de ce genre d’événement est très faible. Il n’est pas possible non plus que les fragments sur le cercle viennent de la décroissance d’une zone participante, car dans ces conditions on devrait détecter le spectateur du projectile qui serait un fragment rapide. Si on part de considérations plus générales, on voit que ce genre de propriété est caractéristique d’une collision binaire avec un bilan de réaction constant, dont font partie la diffusion élastique et la fusion. De ce point de vue, il reste une possibilité, celle de la composante profondément inélastique d’une collision dissipative, d’autant que dans ce cas on attend de l’orbiting à cause de la faible valeur du paramètre de Sommerfeld modifié : \(\eta'\sim\) 99 [GA76]. Les fragments de masse intermédiaire seraient alors les produits de la décroissance du quasi-projectile. Nous allons partir de cette hypothèse de travail.
Soyons d’abord plus quantitatifs. Sur la figure III.15, le rayon des cercles est de 1,8 cm/ns pour la cible d’argent, 2,3 cm/ns pour l’or et 2,4 cm/ns pour le thorium. Pour un transfert net de nucléons nul, et en se servant de la conservation de l’impulsion, on obtient pour la vitesse relative entre le quasi-projectile et la quasi-cible : 3,2 cm/ns pour l’argent, 3,1 cm/ns pour l’or et 3,3 cm/ns pour le thorium. Ces valeurs très proches entre elles montrent que la différence entre les trois systèmes provient uniquement de la masse de la cible, et cela pour des raisons uniquement cinématiques, apportant ainsi un argument important en faveur de la diffusion profondément inélastique. Cela exclut tout au moins que les fragments de masse intermédiaire soient émis par la fission très asymétrique du noyau de fusion.
La valeur de ~ 3 cm/ns est consistante avec celle déterminée dans une expérience effectuée pour le système Ar+Au à 27 MeV par nucléon [BOR88, JO91], et qui a conduit à la même conclusion. Elle est raisonnablement proche de la vitesse relative que donnerait la répulsion Coulombienne, surtout qu’il faut encore ajouter le potentiel centrifuge.
Il reste encore quelques questions à considérer, et en premier lieu, il faut vérifier que c’est énergétiquement possible. Dans la situation la plus défavorable, c’est-à-dire pour un paramètre d’impact nul, l’énergie cinétique totale de la voie de sortie dans le centre de masse est de, si on prend celle donnée par la systématique de Viola [VI85] : 148 Mev pour la cible d’argent, 205 MeV pour l’or et 222 MeV pour le thorium faisant à 27 MeV par nucléon, si on soustrait ces valeurs de l’énergie cinétique initiale : 1123 MeV pour l’argent, 1380 MeV pour l’or et 1438 MeV pour le thorium qui devrait se retrouver en énergie d’excitation se répartissant entre les deux noyaux, ce qui donne par nucléon : 5,8 MeV pour l’argent, 4,9 MeV pour l’or et 4,6 MeV pour le thorium. Mais nous n’avons pas encore envisagé d’autres modes d’évacuation de l’énergie, comme les résonances géantes, le spin, et principalement les particules de prééquilibre. Or il a été observé dans les réactions de fusion incomplète, que le nombre de nucléons qui fusionnent est déterminé par une température limite d’environ 5 MeV [JI89], le reste constituant la composante de prééquilibre. Il n’est pas impossible que la même chose se produise pour les collisions dissipatives, donnant lieu à la diffusion profondément inélastique incomplète (INDIC) déjà prédite [DU80] et mise en évidence expérimentalement [GA82, GO87, TE88]. A une telle température, des fragments relativement lourds peuvent encore subsister, donc à 27 MeV par nucléon, l’hypothèse de la diffusion profondément inélastique ne peut être écartée du seul point de vue énergétique.
Cependant, il est un peu surprenant que le quasi-projectile multifragmente alors que la cible se contente de fissionner. Mais l’explication est peut-être dans le partage de l’énergie d’excitation qui, s’il est en deux parties égales, donne une température plus faible au noyau le plus lourd. Ou alors cela trouve son origine dans la phase de prééquilibre qui exciterait le projectile par création d’états trou.
On peut encore objecter à notre hypothèse que le temps de réaction est trop court pour autoriser une dissipation aussi importante, qui exigerait une force de frottement très élevée, et que les nucléons n’ont pas le temps de s’échanger en nombre suffisant. Mais d’autres modes de dissipation sont susceptibles d’intervenir, et en particulier les collisions nucléon-nucléon [PA81, TO85], qui sont de plus capables d’accélérer le mécanisme d’échange, un nucléon du projectile ayant la possibilité d’être dévié par un de la cible et dans la direction de celle-ci, ou vice versa [AY87]. Seuls des calculs microscopiques complets sont en mesure de tester la cohérence théorique de cette assertion.
Mais d’ores et déjà, une conséquence pour la dépendance entre l’angle d’émission du quasi-projectile et l’énergie cinétique totale est prévisible. Car pour une perte d’énergie donnée, le temps de réaction sera plus court, et la rotation du système dinucléaire étant par conséquent plus petite, la trajectoire de sortie sera plus proche de celle de Coulomb. L’expérience permet de vérifier cet effet, mais malheureusement, cela nécessite de mesurer le quasi-projectile à des angles plus petits que nous ne le faisons. En revanche, une certaine zone de grandes énergies cinétiques totales pour laquelle l’angle de déflection aurait été négatif sans cet effet ne pourrait être détectée. Cela expliquerait l’apparente absence de collisions partiellement amorties.
Comme nous rencontrons des aspects typiques des réactions à basse énergie, il est naturel de se demander jusqu’à quelle énergie incidente ils persistent, et en l’occurrence, s’ils sont encore présents à 43 MeV par nucléon. Dans ce cas, selon la systématique [NI85], il ne resterait plus que 64% du projectile après l’émission de prééquilibre, ce qui donne comme vitesse du centre de masse du système réduit : 2,0 cm/ns pour la cible d’or. Sur la figure III.16, analogue, à la précédente mais pour 43 MeV par nucléon, on retrouve le cercle centré à peu près sur la vitesse prévue. A 27 MeV par nucléon, le déplacement de la vitesse du centre par rapport à celle du centre de masse du système total étant beaucoup plus faible, son influence n’est pas sensible sur la figure. Une des conséquences de tout cela est que la vitesse des fragments de masse intermédiaire dans le laboratoire dépend peu de l’énergie incidente, ce que nous avons déjà observé précédemment.
Coïncidences intermédiaire-intermédiaire
Dans l’analyse précédente, nous sommes partis implicitement du principe qu’il n’y a qu’un seul fragment de masse intermédiaire, ce qui n’est pas toujours vrai. Sur la figure III.17, analogue à la figure III.15, mais quand il y a au moins deux fragments de type intermédiaire, on voit que les caractéristiques essentielles sont restées inchangées, mise à part bien entendu la disparition relative des lents. Cela semble contredire notre hypothèse car les deux fragments devraient provenir de la fission du quasi-projectile, et donc avoir des vitesses modifiées substantiellement, et de ce fait n’auraient plus de raison de rester sur le cercle.
Mais dans un domaine de transition, rien n’est aussi simple. En effet, on sait grâce à des études entreprises sur divers systèmes lourds à une énergie quelque peu plus faible [OL80, HA82, GL82, GL83], que les propriétés de fission des produits primaires d’une collision dissipative ne sont pas celles d’un noyau à l’équilibre. Schématiquement, l’axe de fission est préférentiellement parallèle à celui de la première scission, c’est-à-dire à la direction d’émission dans le centre de masse de la réaction, et il y a une asymétrie de masse telle que le fragment le plus lourd ait la vitesse la plus grande.
Dans notre arrangement expérimental, tous ces effets s’additionnent pour que le fragment le plus léger ait une vitesse très petite qui soit susceptible d’être inférieure au seuil de XYZt vers lequel il est dirigé à cause de l’entraînement du centre de masse. Mais cela mis à part, il existe une autre coupure qui a une importance au moins égale, puisque si les deux fragments de fission du quasi-projectile sont émis dans la même direction dans le laboratoire, ce qui, eu égard aux propriétés mentionnées, arrive le plus souvent, alors ils toucheront le même module et seront rejetés tous les deux à cause de l’impossibilité pour un détecteur de mesurer deux particules du même événement. Si l’on tient compte de tout cela, les fragments observés doivent bien se retrouver sur un cercle, comme on le voit sur la figure III.18. Une autre expérience [PEL89] a donné des résultats contradictoires avec celles qui viennent d’être citées, c’est-à-dire que l’axe de fission était préférentiellement perpendiculaire à la direction d’émission du quasi-projectile. Mais il se trouvait justement que les deux fragments étaient, comme dans notre cas, détectés par deux compteurs différents.
Nous sommes là en présence du premier exemple qui justifie la mise en garde de la première section de ce chapitre. Toutefois, à cause de ces coupures, mais aussi parce qu’il y a des coïncidences entre XYZt et DELF dont les erreurs de mesure sont très différentes, il est très difficile de vérifier que nous avons bien le même scénario ici. La variable qui devrait être la moins perturbée est la vitesse relative entre les eux fragments, que nous représentons (Fig. III.19) en fonction de \(\varphi\) qui symbolise l’angle, dans le plan de la réaction, entre l’axe de fission et la direction d’émission dans le centre de masse, les valeurs positives étant du côté de l’axe du faisceau (Fig. III.18). Comme dans [HA82, GL82, GL83], nous observons que cette vitesse dépend de \(\varphi\) et est la plus petite vers \(\varphi\) = 0, ce qui peut d’ailleurs résulter de la seule influence du champ de la cible pendant la fission. Cependant, il est difficile de dire si cela ne vient pas tout simplement des biais expérimentaux. La réponse sera donnée par une simulation dans le dernier chapitre.
Nous sommes maintenant en mesure de proposer des explications pour certains faits non encore bien compris, et en particulier l’existence des coïncidences rapide-intermédiaire à 43 MeV par nucléon. Le fragment intermédiaire serait le fragment léger de la fission hors de l’équilibre de la cible, et aurait donc dans le laboratoire une vitesse relativement grande et focalisée vers l’avant. L’autre fragment serait alors suffisamment lourd pour subir une fission supplémentaire, ce qui ne serait pas possible à 27 MeV par nucléons. Cela doit se passer pour des collisions assez périphériques, car l’asymétrie de masse est la plus grande pour les paramètres d’impact les plus élevés [GL82, GL83], d’où la présence d’un rapide.
Coïncidences Intermédiaire-lent-lent
Jusqu’ici, nous n’avons pas tenu compte de la quasi-cible, ce que nous allons faire maintenant pour vérifier que son comportement est compatible avec notre hypothèse. Assurons-nous d’abord que quand il y a deux lents, ils viennent bien de la fission de la cible comme précédemment sur les figures III.20 & 21. On reconstruit la quasi-cible en prenant le vecteur vitesse du centre de gravité des deux fragments. Leur masse est déduite de leur charge en supposant qu’ils sont au fond de la vallée de stabilité, et en prenant la paramétrisation de Green de celle-ci [GR53] : \[A={5\over3}\left(Z+\sqrt{1000+Z(Z+40)}-100\right)\]
On fait la même chose pour le quasi-projectile s’il y a deux fragments intermédiaires. Ensuite on calcule l’angle relatif entre les vitesses de ces deux noyaux dans le repère du centre de masse du système réduit. Sa distribution, représentée sur la figure III.22, est piquée à 180°, avec un écart type d’environ 10° à cause de l’évaporation et des erreurs de mesure sur les vitesses et les charges. L’observation est donc compatible avec des directions d’émission colinéaires, qui est caractéristique des collisions binaires.
III.3.iii Collisions périphériques
Dans cette classe d’événement, nous n’avons que des fragments rapides et des lents. Comme nous l’avons déjà vu, les premiers sont les restes du projectile qu’on retrouve pratiquement inchangé, et les derniers sont les résidus de la cible ou ses produits de fissions : la réaction primaire produit donc deux gros fragments en plus des particules légères éventuelles. La situation semble donc extrêmement simplifiée et le nombre d’observables suffisamment réduit pour pouvoir les étudier exhaustivement. De plus, on peut considérer qu’on est face à deux seules possibilités de mécanisme : fragmentation et collision dissipative. Pourtant, l’observation des fragments seule ne permet pas de faire la différence, et nous allons voir pourquoi en passant en revue toutes les variables utilisables.
La méthode la plus simple consiste à comparer les charges manquant au projectile et à la cible. Dans le cas de la fragmentation, elles sont grossièrement proportionnelles aux rayons des noyaux et dans celui d’une collision dissipative, elles sont en moyenne égales si l’énergie d’excitation est la même pour les deux noyaux. Mais comme les charges manquantes sont faibles, peu différentes entre les mécanismes, et proche de la précision de leur mesure, et que de toute façon, il reste toujours des incertitudes sur leur prédiction, le résultat aura peu d’intérêt.
On a la possibilité de recourir à une analyse plus sophistiquée si on examine la variation de la vitesse du fragment rapide dans le centre de masse en fonction de sa charge. Le modèle de fragmentation prédit en effet cette dépendance si on tient compte du ralentissement du projectile causé par son excitation, et pour les collisions dissipatives, on peut attribuer à la vitesse une perte d’énergie cinétique totale, et en introduisant une hypothèse pour son partage, l’énergie d’excitation du projectile, et donc sa charge après évaporation. Mais ces deux calculs donneront des résultats très semblables, car à chaque nucléon manquant, qu’il soit arraché ou évaporé, l’énergie cinétique perdue correspondante sera toujours à peu près la même, et proche de l’énergie de liaison. En plus de cela, dans le dernier cas, le quasi-projectile a une distribution de charge, et donc pour une perte d’énergie totale donnée, il existe une corrélation entre la charge, ou plutôt la masse, et la vitesse qui est de sens opposé à celle dont nous venons de parler. Il s’y rajoute encore celle due à la dispersion en temps du paquet de faisceau que nous avons vue au II.3.vi. Ces deux corrélations pouvant fortement modifier les résultats dans le cas général où la distribution en charge ou en vitesse n’est pas uniforme, cas qui est bien sûr le nôtre.
Jusqu’ici, il semble donc qu’on ne peut s’en sortir qu’en exploitant toutes les variables disponibles en même temps par la méthode des coïncidences cinématiques. Si, comme c’est à peu près le cas pour la fragmentation, l’apport de chaque noyau à la zone participante est proportionnel à leur masse, alors nous avons, en ce qui concerne les vitesses, la même cinématique qu’une réaction binaire où les masses de la voie de sortie seraient identiques à celle d’entrée. Pour une collision dissipative, c’est la cinématique d’un transfert qu’il faut prendre si on raisonne événement par événement. Ainsi, à partir des vitesses on pourrait prédire les masse en prenant chacune des deux hypothèses et voir comment elles varient en fonction des expérimentales. Mais, comme nous venons d’en prendre l’habitude, cela n’apporte toujours rien car la fragmentation ne permet pas de prédiction, et pour les collisions dissipatives, c’est la masse primaire qu’on obtient et non pas celle après évaporation, qui est celle effectivement mesurée.
Cette série d’exemples est une illustration très démonstrative et pertinente de la discussion de la section I.7, mais son plus grand intérêt est de nous apporter la réponse à notre problème, car nous remarquons qu’à chaque fois, ce qui nous manque est l’information sur l’origine exacte des particules légères, de laquelle les observables des fragments lourds sont pratiquement indépendantes dans ce domaine particulier d’énergie. Cela peut se comprendre sur la base d’arguments très généraux. En effet, si l’on extrapole les prédictions de chacune des théories valables sur deux extrêmes en fonction de l’énergie de bombardement, alors il est probable que la plupart d’entre elles soient très semblables non loin du domaine de transition, dans lequel il est bon d’ajouter qu’aucune d’elles n’est valable. La situation est résumée schématiquement sur la figure III.23.
III.4 – Particules légères
III.4.i Origine des particules légères
Si le mécanisme est celui qui a été proposé pour les collisions centrales, alors les particules légères sont produites par décroissance séquentielle des fragments excités qui en sont issus. Pour le vérifier, on représente les vitesses parallèles et perpendiculaires des particules légères par rapport à celle du fragment, prise pour origine. En section efficace invariante, c’est-à-dire en divisant le nombre de coups par la vitesse perpendiculaire, on devrait alors voir apparaître une figure à symétrie circulaire dont la distribution radiale est celle d’une évaporation, ceci évidemment dans le cas de détecteurs idéaux.
La vitesse relative mesurée entre le fragment et la particule légère est celle qui subsiste après toute la chaîne de désexcitation. Mais en moyenne c’est aussi la vitesse relative qui existait juste après l’émission de la particule considérée. En effet, si elle est la dernière, c’est évident, mais si d’autre sont évaporées après elle, alors le recul que subit en moyenne le fragment est nul, ce qui ne change pas la conclusion.
S’il y a plusieurs fragments de vitesses voisines dans le même événement, ils se perturbent l’un l’autre et la signature ne sera pas aussi nette. Pour amoindrir cet effet, nous avons pris dans chaque événement le fragment le plus rapide dans XYZt et nous avons réalisé cette figure pour les protons et les particules α ; dans le Mur (Fig. III.24 & 25). La configuration annoncée y est bien apparente, si on ne tient pas compte des coupures dues aux seuils et aux limites inférieures et supérieures de la plage angulaire du Mur aisément identifiable. Les mêmes figures pour les autres particules légères, bien qu’elles ne soient pas montrées ici, donnent le même résultat. Reste à savoir si la charge totale évaporée suffit à combler la charge perdue par le projectile. Mais pour cela, il va falloir tenir compte de l’efficacité géométrique du Mur dans le cas d’une émission des particules légères par un fragment.
III.4.ii Correction de l’efficacité du Mur
On utilise pour cela le fait que l’évaporation soit isotrope dans l’espace. Pour un fragment ayant un vecteur vitesse donné, on peut associer à chaque vitesse relative avec la particule légère un coefficient d’efficacité qui servira à faire la correction. Si on appliquait brutalement ce principe, il faudrait calculer un coefficient pour chaque vecteur vitesse du fragment et pour chaque vitesse relative, ce qui serait bien entendu très laborieux.
Nous procéderons donc plus astucieusement par une simulation événement par événement conduite de la façon suivante : on ne prend que les particules légères qui sont plus rapides que le fragment qui a la vitesse la plus grande, afin qu’il soit plus probable que c’est lui qui les a émises. Pour chacune de ces particules, on calcule la vitesse relative avec le fragment, puis on génère une particule ayant cette même vitesse relative, mais émise dans une direction aléatoire et isotrope. On teste alors si elle est plus rapide que le fragment et si elle sera détectée, en tenant compte des seuils, de la géométrie du Mur et de l’ombre de XYZt. On recommence ainsi \(N\) fois jusqu’à ce que le test soit positif. Sur l’ensemble statistique des cas semblables, la probabilité pour une telle particule d’être détectée est \(1/\langle N\rangle\), et le coefficient correcteur est par conséquent \(\langle N\rangle\). Pour la particule considérée, on fait comme si en fait il y en avait eu \(N\) d’émises et une seule détectée, et on calcule ainsi le nombre de particules, la charge totale évaporée par le fragment ou n’importe quelle autre quantité. En faisant leur moyenne sur tous les événements qui sont dans les mêmes conditions, on obtient donc les valeurs cherchées. Remarquons que plus la probabilité est faible, plus le nombre d’échantillonnages est élevé, ce qui introduit une compensation automatique à l’imprécision qui est plus grande.
Pour chaque variable qu’on veut extraire, il faut d’abord définir les ensembles sur lesquels on fera les moyennes. En principe, on prend tous les fragments qui ont leur charge et leur vecteur vitesse dans un certain intervalle pas trop grand. Mais, même en tenant compte de la symétrie azimutale, il faut diviser l’ensemble total des fragments dans un espace à trois dimensions, ce qui donnera une statistique très faible pour chaque cellule. On contourne le problème en se ramenant à deux dimensions par regroupement des fragments donnant la même valeur pour la variable qu’on veut extraire. A priori, le bon choix est de prendre la charge et le module de la vitesse dans le centre de masse, car dans le cas d’une réaction binaire, ils déterminent l’énergie d’excitation du système. Faute de mieux, c’est celui que nous ferons.
Nous sommes maintenant en mesure de vérifier a posteriori que la distribution en énergie relative est bien une Maxwellienne, ce que nous faisons en la corrigeant pour des valeurs fixes de la charge totale évaporée (Fig. III.26). On voit qu’elle présente bien une décroissance exponentielle. Il est tentant d’essayer d’utiliser la pente pour en déduire la température de la source dans le but d’avoir un test plus précis du mécanisme, mais cela donnerait une valeur bien trop élevée. La cause en est la discrétisation de la mesure de l’angle des particules légères. Bien sûr, comme chacun sait, c’est quand même possible, mais à condition que la vitesse de la source dans le laboratoire soit plus petite que la vitesse relative moyenne entre la particule et le noyau, car ainsi le calcul de l’énergie relative est peu sensible à l’erreur de mesure sur l’angle d’émission. Dans le cas présent, pour une vitesse de la source de 5 cm/ns, une vitesse relative de 2,5 cm/ns et une incertitude de 4°, l’incertitude sur l’énergie, dans les conditions les plus défavorables qui se trouvent être aussi les plus probables, est d’environ 30%.
Les principaux défauts de cette procédure viennent de ce que toutes les particules légères mesurées doivent avoir été évaporées. Un coup d’œil sur les figures III.24 & 25 montre que si certaines peuvent avoir une autre origine, leur nombre semble être négligeable. Mais nous savons qu’il existe une composante de prééquilibre, en plus bien sûr de l’évaporation de la cible. Cela joue surtout pour les petits paramètres d’impact [WILE89, PET90], ou pour les résidus du projectile de petite vitesse. C’est en fait une chose inévitable dans ce domaine d’énergie, car la voie de sortie est trop complexe pour qu’on puisse faire une correction plus rigoureuse, et de toute façon, la simple hypothèse d’évaporation isotrope risque de n’avoir qu’une validité relative. Cependant, le fait que nous soyons à une énergie pas trop élevée donne une certaine légitimité à la méthode, qui est donc valable uniquement parce que nous ne sommes pas au milieu du domaine de transition. Une autre conséquence est donc qu’elle peut difficilement s’appliquer à 43 MeV par nucléon.
III.4.iii Reconstruction du projectile
La connaissance du nombre de particules légères évaporées par le résidu du projectile permet de remonter aux quantités primaires de la réaction, et rend possible une étude plus précise de celle-ci. Afin d’avoir une situation plus simple, nous n’étudierons que les événements où au maximum un seul fragment de masse intermédiaire a été détecté, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en a pas plusieurs, mais réduit l’influence de ce dernier cas, et nous la considérerons comme négligeable en conséquence de la distribution de multiplicité (cf. III.1.ii) ; ce qui se confirmera par les résultats eux-mêmes.
La première étape est de calculer la moyenne de la charge évaporée en fonction de la vitesse dans le centre de masse et de la charge du résidu du projectile, par la technique que nous venons d’expliquer. Le résultat est la figure III.27. A partir de là, on obtient directement la charge primaire qui est représentée simultanément avec la vitesse (Fig. III.28). La première observation est que, pour une vitesse donnée, la distribution de charge est devenue beaucoup plus étroite, donnant lieu à une corrélation forte entre les deux variables qui n’est pas sans rappeler celle qui existe dans le cas d’une collision binaire. Cela corrobore notre hypothèse de départ, et en partant de celle-ci, nous allons calculer des variables plus appropriées.
Si nous sommes bien en présence de collisions dissipatives, la plus naturelle est l’énergie cinétique totale, dont l’expression est la suivante : \[TKE={1\over2}{A_p'(A_{tot}-A_p')\over A_{tot}}u(V_p^{'cm})^2\] Le nombre de masse primaire \(A_p'\) du résidu du projectile est déterminé en fonction de sa charge en se mettant au fond de la vallée de stabilité. Nous prendrons plutôt \(TKE\) corrigé de la barrière Coulombienne de la voie de sortie, qui est plus représentative de la violence de l’interaction : \[TKE^*=TKE+V_c-V_c'\] avec : \[V_c={1\over4\pi\varepsilon_0}{Z_pZ_ce^2\over(1,2(A_p^{1/3}+A_c^{1/3})+2)\text{fm}}\] Cette variable en corrélation avec la charge primaire, appelée diagramme de diffusion, donne la figure III.29. Sur celle-ci, en plus des coupures habituelles, se trouvent celles dues à une statistique trop faible pour extraire la charge évaporée. Malgré cela, pour les petits \(TKE\), nous distinguons la composante de diffusion profondément inélastique pour laquelle \(TKE^*\) est presque indépendant de la masse du quasi-projectile, conformément à ce que nous attendions. Il est vrai qu’ici, les particules de prééquilibre risquent de perturber les résultats, mais qualitativement, cela ne change pas la conclusion, car en principe leur nombre ne dépend pas de la charge du quasi-projectile. Quantitativement, nous avons pour cette composante \(TKE^*\sim\) 300 MeV, tout à fait comparable avec l’énergie Coulombienne de la voie de sortie, et qui correspond aux 3 cm/ns de la vitesse relative.
Mais pour les fragments rapides, nous voyons, de même que sur la figure III.28, que leur charge primaire est inférieure à celle du projectile. Leur corrélation apparente avec \(TKE^*\) n’est pas significative car cette dernière variable en dépend dans son calcul, et c’est donc une simple conséquence des erreurs sur la charge. Pour expliquer cette charge manquante, il y a de nouveau deux possibilités : ou elle a été transférée à la cible, ou/et elle a servi à former la zone participante. Mais contrairement à la section III.3.iii, nous avons maintenant toutes les données nécessaires pour appliquer la méthode des coïncidences cinématiques.
Connaissant la vitesse de la quasi-cible, soit celle du centre de gravité des deux lents, et la vitesse du quasi-projectile, on en déduit, par simple conservation de l’impulsion pour une réaction binaire, la masse primaire du quasi-projectile en prenant l’hypothèse que la somme des masses des deux noyaux finaux est celle des initiaux. En la moyennant sur tous les événements ayant la même masse reconstruite, on compare ces deux quantités (Fig. III.30) pour les fragments rapides (\(TKE^*\) > 800 MeV). Dans le cas des collisions dissipatives, les deux masses doivent être égales, et pour la fragmentation, la masse calculée doit être constante, car la masse réelle est plus petite, mais l’hypothèse que la somme des masses est celle de la voie d’entrée n’est plus valable. Si la contribution à la zone participante de chaque noyau est proportionnelle à sa masse, le centre de masse et le rapport des masses des noyaux finaux sont inchangés et donc leur vitesse dans le centre de masse est identique à celui d’une collision binaire avec des masses constantes. Sur la figure, la masse calculée varie avec la masse reconstruite, mais pas assez pour qu’elles soient égales, de sorte qu’il n’est pas facile de conclure. Il faut remarquer que le résultat est influencé par les erreurs dans DELF, surtout sur les charges car ce sont elles qui permettent d’obtenir le centre de gravité, et qui ont la plus grande incertitude.